Le Provincial et la Bourgeoise

Le problème avec la littérature, c’est qu’elle a cette satanée manie à déteindre sur quiconque tente de la manipuler. Je me souviens, petit, avoir très vite trouvé la science de la lecture, comme une échappatoire. Je devais avoir trois ans. Bien sûr, à la maison, il n’y avait pas de grande littérature. Exit Corneille et autre panthéonade. Mais, cette maison, elle avait le mérite de contenir ce qui, jadis encore, était nommée encyclopédie. Je m’intéressai beaucoup à la science, fasciné par tous les mystères de l’Univers.

Et puis, dans cette maison, autour de moi, tout s’en allait de mal en pis. Longtemps, je me suis laissé aller à toutes formes de révoltes. Je ne m’apaisai que rarement. Mais les moments d’apaisement que j’appréciai particulièrement se fondaient à des rencontres. Souvent, tard le soir, je laissais mon esprit divaguer entre les citations que je découvrais au fil de mes lectures proposées par le tout récent alors, outils Internet. J’ai rencontré Musset, pour qui je garde encore aujourd’hui une grande affection, quoi qu’en disent les puristes. Et très tôt ensuite j’ai découvert Nietzsche, Baudelaire, Orwell. Orwell, ça a été un choc. Laissé là par mon professeur de français de troisième, j’ai pu assister, ému, à la création d’un monde littéraire. […]

J’ai d’abord connu les romantiques, alors, comme eux, je m’émerveillais de la nature et ses splendeurs, de la femme… Je savais, comme eux, pleurer avec peine un monde en mouvement que je reconnaissais chaque jour devant mes yeux –depuis Orwell-. Et c’est à ce moment que tout a commencé à basculer avec Musset. Je devenais badin à souhait, plus qu’il ne faudrait. La chute a continué lorsque j’ai dû étudier quelques lettres d’un qu’on nommait Laclos, avec un prénom imprononçable. S’en est suivie dans cette déchéance l’immanquable Marquis.

Mais, lorsque mon esprit de jeune romantique ne me torturait pas, je me plaisais à imaginer chaque jour, comment je mènerai ma vie demain. Ici commence l’histoire tant entendue déjà, du provincial, gagnant sa vie pour y faire fortune, en compagnie d’une bourgeoise, habitant une belle maison. C’eût été plaisant si ce démon romantique ne m’avait pas trop de fois tourné la tête.

Deuxième histoire du provincial. Toujours empreinte de XIXème, d’une histoire de goût de l’exotisme. Il fallait entendre par là la phrase de Musset : « Alors s’assit sur un monde en ruine une jeunesse soucieuse ». Mon monde était là, devant moi, fumant, et je me résolus alors à m’exiler, vers une bonne cité que l’on appelait Lyon.

Carnet d’un pion qui voulait devenir prof

C’est l’anniversaire de Jenny aujourd’hui. Je tombe du lit et m’attèle à mes travaux inachevés. Ils me changent un temps les idées.

J’arrive tôt à Bellevue, Miryam a encore embarqué la moitié des sujets, et n’est toujours pas là. Elle qui me moralise quand j’arrive à la sonnerie. J’installe donc la salle pour que mes agneaux puissent paisser en paix. Soudain, l’un d’eux m’interpelle timidement pour m’expliquer que je pissais dans un violoncelle. Ils n’étaient pas 80 aujourd’hui, mais une douzaine. A demi déçu, mais sans me laisser le temps de me ressasir, Belzebuth entre en scène, me dit dans une parole ne pas être présente aujoud’hui, problème de bureau, d’absence etc.

Joie! Immense joie, ce matin, tout allait se passer à ma manière, c’est à dire sans pression. Mes agneaux composent et se frottent le cuir chevelu, tandis que je rêvasse debout à la fenêtre, la chaleur du radiateur réchauffant mon corps fatigué. Le soleil est là qui se cache à peine de tout un champs de nuages. Les couleurs sont vives et délectables. Je n’y tiens plus, je me suis risqué à prendre une photo.

Mes rêveries sont interrompus par les cris des enfants, après la porte, que je m’empresse d’aller calmer, pour veiller à la tranquilité de mes propres agneaux. Et là, quel constat! Toute une classe collègienne livrée à elle-même. Plus de prof, les gones musique à fond, la B.O. de la Reine des Neiges en plus. Plusieurs tentatives… En vain. Que dire, que faire? Livrer mes agneaux à eux-même? J’ai dû abandonner.

Je me change les idées entre lectures de Jacottet, et plannification du prochain groupe. J’ai écrit à Jenny: « Bon anniversaire! », rien de plus, déjà trop. Le prochain groupe devait être d’une quarantaine de têtes. Impossible de les laisser prendre leur place habituelle, c’était la fraude assurée. J’ai donc refait, à la volée, un plan de classe, puis il m’a fallut les classer, ce ne fût pas une mince affaire. Puis, compte tenu des divers groupes de LV2 aujourd’hui -et divers professeurs, ça va de soi-, je leur demande d’émarger en face de leur nom. Il faudrait que je me penche sur le profil psychologique des deux ou trois qui n’ont pas placé leur croix dans la case prévue à cet effet, mais en face de leur nom. Le calme revient, la sonnerie retentit. Vingt minutes plus tard, aussi étrange que cela puisse paraître, les premières mines de crayons se rétractent de dessus le papier. Après presque une heure, ils sont déjà nombreux à rêvasser tout comme moi autrefois. Je leur suggère donc d’aller chercher leurs affaires s’ils veulent faire leurs devoirs. Après une heure et quart de cette épreuve, et dépité des bruits incessants des chaises qui se levaient, je dûs me résoudre à leur rendre leur liberté. Et, là, le grand fracas, de la libération qu’on attendait. Il n’en reste finalement que quatre. Je me dis, comme pour apaiser ma conscience, que les derniers à composer sont à présent plus tranquilles que jamais. Surveillance portail, rien à déclarer. Ou peut-être ces filles de terminale en plein tourment avec leur orientation. On s’interroge sur la possibilité d’études d’anglais. Je parle de mon vécu, sous les yeux de la documentaliste, heureuse et surprise que je lui ai apporté son courrier aujourd’hui -fâcheux concours de coincidences-. Je retourne dans le froid et continues ma promenade. Je serre timidement une ou deux mains,  sers une ou deux réprimandes. La faim me tiraille.

Le self me tend donc bien vite ses bras. Je grille sans scrupules -j’ai demandé avant tout de même- la priorité à une collègienne qui me fait beaucoup rire depuis la rentrée. Sans aucune raison apparente, elle n’a jamais manqué à un bonjour, ni même à un sourire. Après quelques mots, elle me dit son interrogation quant à mon statut. Surveillant, lycéen.. Je ne sais pas trop comment réagir. La carte de l’ironie. Embrouille avec Déborah, ange ou démon? En allant m’installer à la table des profs -sensation toujours très étrange-, le prêtre, qui est depuis peu de mes alliés, me jette un « bon appêtit » que je lui renvoie d’un sourire et d’un mot gentil. Je suis rassuré de voir JB en bout de table. Lui, le semble aussi. Cendra en arrêt de travail la semaine prochaine. Tout prend beaucoup de retard, bref, il a besoin de bibi. Réponse tacotac, où est-ce que je signe?

Stage ennuyeux, piqué au vif pour une lecture de Ruy Blas moi qui hais le théâtre et Hugo. Je me suis assis à côté d’une élève qui m’intrigue depuis la rentrée. Trois grands traits rouges et réguliers rayent son bras. Je lui demande de m’attendre à la sortie, craignant une quelconque scarification. Brûlures présentes aussi. La situation était très délicate, mais, je me devais d’intervenir. Elle me fuit quelques temps du regard, puis parut très gênée. Je n’insistais pas, mais me rassurais de lui avoir tendu la main.

Explications avec Deborah. Elle pleure, je monte sur ma moto, je rentre. Il est 17h03. Réveillé depuis 13heures.

Aux passantes

Je m’émerveille tant, de toutes ces beautés par la terre données. Par-ci, par-là, poussent des fleurs aux odeurs qui ennivrent le coeur. Plus rarement, elle est lourde de chiendents. Mais nous n’en ferons rien.

Etablir le lien? […]

J’ai voulu me passer de ce romantisme trop romantique. Bien viril, comme ceux de la Rome Antique. Cas pratique numéro trois cent deux… Je ne demande pas que l’on soit trois, mais plutôt, passer mon bras, à ton bras, une seconde ou deux. Ma foi, tu es là toi, jolie fleur. Bien éclose, toute souriante, attachante. Décadente pensée de mon esprit biaisé! Tais-toi donc, pauvre fou! Fou! Fou! Bien sûr que je suis fou! de ces perles que je voudrais enfouir dans mes mains. Demain, de tou cela, il n’en sera rien. Cornélien. Mais tu vois, ça me fait du bien, d’être là, te bouffer de mon regard minable. Même pas de morale à cette fable. D’ailleurs toute cette histoire est ineffable.

A table!

Oui, tu as raison. Poët ne rime plus à rien, voici la faim? (fin?). Il faut se mettre à table.

Je suis barge de ton âme, que je ne sais même pas. Allez! Encore! Dessine-moi ton sourire. Invitation au voyage. Mais dêpechons, avant que ne fâne l’âge. Bleuie ma page. Oui maîtresse, demain, je serai sage. Mais avant, remet moi dans ma cage. Au-dehors, c’est bien trop dangereux. Alors, si fus-je un brin plus valeureux, je t’aurai crié de nous cacher tous deux. Comme des gosses que nous fûmes.

Mal aux yeux, à mon ventre bilieux. Vingt milles lieues sous l’Ether ne suffiraient pas à faire taire les contemplations maladives, d’un poète à une passante.

Ekphrasis mélodique

Ekphrasis mélodique sur N’TO – Trauma

 

Le Dieu intérieur a dit « écoutez ce son, c’est ma vie ». Quatorze minutes vingt huit secondes de sensations inexplicables, qu’il faudra bien pourtant parvenir à démêler.

Le titre, tout simplement, semble destiné à bon nombre d’esprits fracturés, démantibulés par la vie, jusqu’aux grands génies directement tombés dans l’oubli. Trauma. Ce seul nom « trauma » et l’on mesure toute la portée de cette mélodie. Elle fait rejaillir les traumatismes, même les plus enfouis. Rythme entraînant, comme un choc sur l’onde qui se répercute à la ronde. Trauma, trauma, trauma trauma… crie le cerveau au départ. Ça fait mal, ça fait mal, arrête arrête, arrêtez tous autant que vous êtes, laissez moi, tuez-moi, je veux repartir, qu’est-ce que je fais là. Laissez-moi enfin, j’ai mal.

Jusqu’à 44 secondes, tout se passe bien.Les notes qui se succèdent laissent voir un enfant, en plein milieu du monde de l’enfance, une vie simple, composée de joies multiples, de larmes de crocodile.

Mais très vite, tout bascule. 44 secondes et bam! Le premier choc de la vie se fait entendre. La première brisure, la première tâche sur des ailes de chérubins. Il faut se redresser, regarder devant soi, parfois fermer les yeux, et courir à s’en rompre les genoux. Courir, comme dans un rêve sans fin, ou la course serait le seul échappatoire à on ne sait quel souvenir lointain, certainement celui d’une autre vie, d’un autre temps. Et le souffle commence à manquer, mais pourtant, il faut continuer. L’on se rend compte du monde qui défile aussi vite que nos pieds s’entravent dans notre course frénétique, énergique. Des images, des flashs, des couleurs sans couleurs, et de longues agonies muettes. Ça crie, ça hurle dans tous les sens, et pourtant rien ne ressort. C’est peut-être dedans. Mais tout reste vivable, survivable. L’on sent très vite, près de la minute trente, que quelque chose se prépare, comme lorsque le ciel se couvre avant un gros orage. Trauma.

1’43, au rythme des pas, de la course, l’on s’est acoquiné de quelques démons. Qu’on ne voit pas, mais que l’on sent. Ceux-là bien malins qui s’encanaillent du premier choc. Un divorce, une rupture, une conscience trop précoce, des capacités non détectés, un manque d’adaptabilité à la réalité. La mort d’un proche, échec scolaire, attouchements, rejet, exclusion, solitude, noir noir noir, désespoir. C’était la première cassure. Trauma.

2’17 et l’on pleure. On pleure nos pieds tout irrités, déjà bien trop lacérés par cette course effrénée. L’on croit entrevoir une lumière dans tout ce noir, mais les démons ont déjà le dessus. Ils sont forts, bien plus forts que nous. Alors on attend. On ne vit pas. On s’arrête, pour la première fois, et l’on veut revenir sur nos pas, on se retourne, un peu trop peut-être, pas assez peut-être. Le premier chagrin d’amour s’ajoute à la première brisure. Et, sans attendre un quelconque accord de notre part, ça repart. De plus bel, les larmes se cristallisent sur le sols, s’impriment dans notre peau, dans notre mémoire, et forgent notre désespoir. Trauma.

3’02, les images se figent un instant. On revoit nos parents, on les soûlent de tous nos questionnements, sans réponse, sans un regard, sans même un hochement de tête, un encouragement. Une perte de temps. Alors on en prend de la graine, de cette petite graine que nous fûmes, de ce fumier que l’on a répandu sur nous, dont on s’abreuve, et qui a un sale goût. Mais ce n’est qu’un médicament. un sale goût, mais il soigne, pour un moment, figé dans le temps. Mithridatisation corporelle, spirituelle, le début du reste de la vie. Et ça dure, perdure, avant que l’on ne reprenne notre souffle, reprenne notre course, mais il le faut, on serre les dents, on se jette tête la première dans l’abysse, on glisse, encore, on morfle salement. Trauma.

5′, les journées s’enchaînent, les fers nous enchaînent, et nous lestent d’un gros boulet que l’on devra toujours traîner. Certaines deviendront dès lors traînées, d’autres sont tombés, sans jamais se relever. Le dormeur du val. On cavale bien mieux qu’avant, mais nos démons sont comme nous, bien plus grands. Ils nous soufflent dans les oreilles, nous tirent ;es cheveux, freinent notre course, brouillent les images alentours, instaurent le chaos, la discorde, la disgrâce, au point qu’on implorerait l’ultime châtiment. Mais pour les plus vaillants, la course continue, les joies sont maigres, mais pourtant, sans trop savoir vraiment, on poursuit cette course éphémère, on traque la lumière, du soir au matin, sans jamais vraiment en voir un brin. Ça fait mal! Ça fait mal! Le cœur implose en sang, et vomit toute sa bile, les sourires s’estompent, le visage se ferme, on n’est plus qu’à demi présent, qu’à demi vivant.Trauma.

5’28. On dirait que se calme le vent, on ne souffre plus autant, mais pourtant, ce n’est qu’une illusion, un garde fou que l’on s’est forgé, pour pouvoir trouver par intermittence, le répit. Trauma.

6’28. tout ça rejaillit sans fin, comme des lames acérés que l’on se planterait par plaisir aux quatre coins de notre esprit. Douleur, continuel cri… Et pourtant, voici venir la goutte de pluie qu’il n’aurait pas fallu récolter. Celle dont on se serait volontiers passé, mais qui contribuera à alléger notre passé. Les larmes ne sont plus de crocodile, mais la peau maintenant tout aussi écailleuse. Pour se protéger des épines, de la vase, des déchets du monde, du froid hivernal, de la chaleur infernale. On fait le point, on appelle le firmament, comme s’il était notre seul compagnon indolent. Sa réponse se perd dans le néant. On implore les dieux, les morts, les vivants, de nous aider à reprendre notre souffle, car la course est rude, et l’air absent dans cette fournaise universelle. C’est déjà tout un mille feuille de Trauma qu’on ingurgite pas après pas. et soudain…

7′  c’est l’instant T. L’instant de conscience, de reconnaissance, ou plutôt de renaissance. Ça fait mal, oui, ça crie, oui, les images sont trop tristes, oui. Mais à présent? A présent il faut songer au futur, il faut le construire moins dur, il faut réagir, scier ces chaînes qui nous pèsent, nous empêchent de jouir pleinement, du moment, de l’instant, et de tous leurs composants. Voici l’Homme. Trauma partiel.

7’27. Un éclair jaillit dans les ténèbres, un de ceux qui vous aveugle tellement il est grand, de ceux qui vous laisserai sur le carreau si vous n’aviez pas ces démons hideux. Des ténèbres jaillit la lumière. Alors comme un mort-vivant, comme un mollusque itinérant, que l’on aurait recueilli hors de l’eau, on est immergé à nouveau. Les fonds baptismaux sont primordiaux, dans ce combat sans fin que l’on mène depuis bien trop longtemps. On reste droit à présent, on cherche la meilleure façon d’allèger ses peines, de ronger sa patte et laisser trainer au loin ce gros boulet. L’éclair frappe encore et nous en libère. Pour la première fois, on a l’impression de respirer, de s’abreuver d’un air qui nous était jusque là inconnu. Alors on pousse un cri, comme un nouveau né, mais non de douleur cette fois, de joie. De bonheur, d’enchantement, comme un rêveur qui verrait ses plus beaux songes se concrétiser, par la seule force de la pensée, par sa seule volonté. Trauma phénixien.

9′. On rassemble toutes nos forces, on se redresse plus que jamais, car jamais n’est plus à notre goût. On rêve à présent de toujours, d’amour, de beaux jours ensoleillés, à gambader dans les prés, comme dans un clip de Mickey 3D. C’est le moment. cueillir l’instant, divertir ses démons, se dévêtir de ce placenta de malheur. Trauma… quand sonne l’heure.

9’36 la course reprend, avec un oeil plus vif, on sélectionne les images, on les observe discrètement, on s’en abreuve inconsciemment. Elles sont d’une telle beauté. On se sent tout léger, on n’a même plus envie de s’arrêter. Même pas pour souffler, même pas pour s’hydrater. La lumière nous rend nos ailes plus blanches que blanches. Chacune de leur plume a été lustrée jusqu’au sang. Nos jambes s’allègent, fines comme un filament. L’ampoule s’allume alors. La clairvoyance est maîtresse de nos lieux, de cette intimité bien trop intime. Ca gambade ça et là, ça tâtonne, ca se questionne bien mieux qu’avant. Exit trauma… Voici la vie.

10′, 11′, on est Homme. Non pas que l’on naisse Homme, on le devient. Avec le temps. Les évènements s’enchaînent, mais pourtant une faille reste présente dans le système. Mais bien moins grosse qu’avant, une de celle qui ne laisse pas de cicatrice. Ca bouillonne, ca fusionne, et même si trouille il y a, on se demande en fin savant « où cours-je? ». Trauma lointain…

La 12′ minute laisse apparaître comme une grosse boîte, celle de Pandore peut-être, ou même celle qui cache le Saint Graal. Mais la lumière nous guide, et chasse les démons, qui sont maintenant si vieux, qu’on les sème aisément. Il ne reste plus beaucoup de temps, pour obtenir ces trésors de nous-même. Une seule chose est sûre, plus rien ne viendra entraver les pieds du voyageur lointain. On croirait même qu’Hermès lui-même a refourgué ses chausses ailées. Trauma plus qu’une petite coupure, recouvert d’un sparadrap éternel.

14′, il était grand temps, d’attraper cette lumière, de la gober, la digérer, la relâcher, l’apprivoiser, s’en acoquiner, s’accoupler à la lumière, lui faire l’amour comme jamais, pour la remercier d’être venue, d’être restée, et bien sûr d’avoir enlevé le Trauma. Fais doucement petit Homme, les démons sont forts, mais la lumière encore plus, il s’en est fallut d’une brindille pour que jamais nous ne la vîmes, cette étincelle, pour qu’il n’y est après tout, aucune logique à la succession de nos pas. Prends garde grand Homme, car, le chaos rejaillit forcément là où on ne l’y attend pas. Tu as le choix, de subir le Trauma, ou de lui trancher la tête sur le billot de ta volonté.

Cette histoire, c’était l’histoire d’une mélodie, pas n’importe laquelle, bien sûr, mais au fond bien commune pourtant. Cette histoire, c’était l’histoire d’une vie, et sa morale demande à tous d’être en éveil. On a toujours le choix de mourir d’un choc post-trauma, ou bien de s’aggriper de toutes ses dents à la vie, l’honorer, pour qu’à son tour, elle nous honore.

 

Je dédie ce texte à mes enfants perdus qui n’ont jamais retrouvé leur chemin, mais qui pourtant, continuent de courir.

Curiosité

Contemplatif, méditatif, l’ermite reste là, assis contre l’herbe, lové au creux d’une pente sans lumières. La musique lointaine d’une guitare vient teindre l’air de voluptes de gaieté. Là, une artiste, toute de noir vêtue, vient s’abreuver des lumières trop vives de la ville qui s’endort. Ici, les rires s’entrechoquent et se répondent. La nature toute entière semble étrangement veiller à la quiétude du lieu. On y entre par un portail des plus sobres, en fer forgé, sa teinte de bleue gémit du temps qui s’est écroulé sur elle. Un rapide coup d’oeil à l’écriteau qui tient lieu de hors d’oeuvre, et l’on comprend rapidement que ce lieu ne peut être dit par des mots.

Et encore, c’est qu’il faut s’acharner à le retrouver, ce clos du temps perdu! Ce n’est qu’après être monté, descendu, remonté, avoir chaviré, virevolté, sué sang et haut, que l’on peut prétendre à sa beauté. C’est une femme des plus délicates, d’avec laquelle on s’excuserait presque de la fouler du pied. Ses courbes hasardeuses font perdre l’esprit, et seuls ces milliers de phares qui scintillent alentours, viennent assomer la nymphe des nymphes, la gardienne du Temps que l’on ne prend pas, et de celui qui nous file entre les doigts.

Divagation… En contrebas la rivière s’étire de tout son long, emmitouflée au creux de son lit. Peut-être attend-t-elle le bon moment, pour se réveiller, bondir, et nous submerger. Peut-être n’est-elle là, que pour susciter un peu mieux la rêverie, chez le promeneur solitaire.Elle est fine et longiligne, comme d’autres femmes que l’on connut, qui vous terrasse par leur charme, auxquelles on se crame, de vouloir les étreindre, que l’on caresse parfois, avec toujours cette sensation de froid qui vous glace le sang, mais tandis que l’on s’éloigne, pas après pas, ses cheveux reprennent leur course initiale, embrassés par du vent, cajolés par trop d’imprudents.

Le calme s’est fait à présent, tout autant que la fraîcheur nocturne invite les âmes à se réchauffer. A coup de liqueur, de chants, de rires, de corps à corps. Pendant ce temps, perdant ce temps, se perdant dans le temps, on ne sait plus trop à quel repère se raccrocher. Et c’est tant mieux! Quitte à en être pris de vertiges, il faut se laisser tomber, dans le terrier du lapin blanc. Il est le guide des égarés, le protecteur des hôtes de la nymphe pentue, face aux crochets pleins de bave, acérés comme un éminceur que l’on viendrai d’affûter. Face aux chauves souris virevoltant ça et là, en quête de la substantifique moelle des ethers humaines. Démoniaques, elles sont les gardiennes de la nuit, tout comme les yeux du rêveur viennent figer ces chandelles aux feux irréguliers.

Voici la fin, dit la musique. La fin de quelque chose infiniment humain, mais pourtant bien trop idyllique pour n’être pas en plus l’oeuvre d’une aimable puissance. Ne me laisse pas! Ne m’abandonne pas! Ne me fuis pas! Crient en choeur les herbes folles dansant alentours comme sorcières un soir de Sabbat. Mais comment pourrait-on… Comment pourrait-on se détacher du sein maternel, sans pour autant en éprouver une grande déchirure. Voici la fin, crie la chanson. Il va donc falloir se laisser pousser des dents comme les chauves souris, aller danser chacun de son côté, chacun chez soi, parmi les herbes folles. Et bien fol celui qui s’éprendrait d’une rivière, avec pour unique fin, l’intention de remonter à sa source.

 

La source… La source de tout, c’est nous. Vous croyez vous?